Sauvage ? Piste 1 â Photographie : © BenoĂźt de Brettes
Appel Ă contributions
Pourtant n°6, été 2023
Le thĂšme de Pourtant n°6 est « Sauvage ? » avec un point d’interrogation. En voici 20 pistes Ă remonter. Nous attendons sur ces pistes vos poĂšmes, vos nouvelles de fiction, vos photographies, vos sĂ©ries photographiques, vos phototextes Ă 2 ou 4 mains.
Dates limites : 15 mars pour les textes, 15 avril pour les photos
ModalitĂ©s d’envoi : aprĂšs les variations ci-dessous.
Sauvage ?
Piste 2
Sauvage ?
Piste 3
« Un loup a Ă©tĂ© photographiĂ© vers 7h30 ce jeudi 27 octobre en LozĂšre, au lieu dit lâHospitalet, dans le Sud de la LozĂšre. Câest une habitante qui a publiĂ© les photographies sur son compte Facebook. Elle prĂ©cise que les photos ont Ă©tĂ© capturĂ©es par son fils, qui partait au travail en direction de Florac. En juillet dernier, cette derniĂšre avait publiĂ© dâatroces photos. On y voyait tristement la dĂ©pouille dâune brebis de son troupeau, sauvagement attaquĂ©e. […] Avec ce loup photographiĂ© ce matin, lâĂ©leveuse de brebis pense Ă©videmment que le loup serait le coupable. »
InfOccitanie, en ligne, article du 27 octobre 2022, capturé le 30 octobre 2022
Sauvage ?
Piste 4
Les Blancs, tu comprends, je les connais, moi. Il ne faut pas les dĂ©cevoir. Ce quâils veulent, câest une Namibie sauvage.
Entre fauves, Colin Niel, 2020, Ă©d. du Rouergue
â Otjindandi ?
â Oui, sauvage, câest comme ça quâils disent. Câest ça qui les fait rĂȘver. Sâils dĂ©pensent autant dâargent pour venir chasser chez nous, câest parce que chez eux ils ont dĂ©jĂ tuĂ© tous les animaux, tu vois. Avant, lĂ -bas, il y avait des loups, des ours, mais maintenant il nây a plus rien, juste des villes et des immeubles, comme Ă Windhoek.
Sauvage ?
Piste 5
LâactivitĂ© de chasse implique lâexistence de formes de vie autonomes, insoumises.
L’animal et la mort, Charles StĂ©panoff, 2021, Ă©d. La DĂ©couverte
Ce que nous avons appelĂ© la chasse terrestre est fondĂ© sur une relation triadique hommes-animaux-terre : il nây a pas dâaccĂšs aux animaux sans passer par lâintimitĂ© avec le territoire, pas plus quâil nây a dâaccĂšs aux profondeurs cachĂ©es de la terre sans un rapport nourricier Ă lâaltĂ©ritĂ© quâest le gibier sauvage. Ce sont la frĂ©quentation des lieux et le travail conduit toute lâannĂ©e sur le territoire qui lĂ©gitiment la chasse terrestre et la distinguent de la chasse commerciale et du safari centrĂ©s sur une rencontre ponctuelle avec un animal inconnu sur un territoire Ă©loignĂ© du lieu de vie.
ibid.
LâĂ©moi suscitĂ© par des cas dâanimaux sauvages adoptĂ©s localement sans autorisation. Selon un scĂ©nario rĂ©pĂ©titif, tel chasseur dĂ©couvre un petit marcassin, lâadopte, le nourrit au biberon et sây attache jusquâau jour oĂč il est avisĂ© de son infraction par la gendarmerie. Lâanimal est confisquĂ©, puis euthanasiĂ© ou placĂ© dans un refuge. Et pourtant, les tĂ©moignages sur les forums et les rĂ©seaux sociaux des chasseurs montrent que des pratiques dâadoption se maintiennent discrĂštement ici et lĂ , dans lâillĂ©galitĂ©. Que les autoritĂ©s jugent prĂ©fĂ©rable la mise Ă mort des animaux sauvages Ă leur adoption dans une famille rĂ©vĂšle combien ces pratiques traditionnelles heurtent une sensibilitĂ© moderne soucieuse dâĂ©tablir des frontiĂšres hermĂ©tiques entre monde sauvage et monde domestique.
ibid.
Sauvage ?
Piste 6
La «Cell Ag’» [l’agriculture cellulaire], dont le produit le plus attendu est la « viande cultivĂ©e », repose sur cette idĂ©e que les animaux n’ont pas de monde propre et qu’ils ne sont en fait que des objets du travail humain. C’est-Ă -dire qu’ils ne sont que la masse musculaire contenue dans leur corps. Ce qu’exprime Mark Post « la viande in vitro de bovin est 100 % naturelle, elle grossit en dehors de la vache ». Corps superflu, puisqu’il est souffrant et vulnĂ©rable, et que l’on peut avantageusement remplacer par un incubateur.
Jocelyne Porcher, VĂ©gĂ©tal / animal : l’inĂ©vitable conversation, dans l’excellente revue Sens dessous n°26, VĂ©gĂ©tal
Sauvage ?
Piste 7
Sauvage ?
Piste 8
Feuilles d’herbe, Walt Whitman
Sauvage ?
Piste 9
Jim Harrison : â Est-ce que les poĂšmes sont eux-mĂȘmes une expression du sauvage ? Parce qu’il me semble qu’un poĂšme est l’exemple d’une sorte de chaos pondĂ©rĂ©.
Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages, Ă©d. Wildproject, traduction de Matthieu Dumont, version originale The Etiquette of Freedom, ed. Counterpoint Press, Berkeley, 2010
Gary Snyder : â Tu poses ici une question extrĂȘmement difficile : quelle est la nature de l’art en relation avec le sauvage ? C’est intĂ©ressant et compliquĂ© Ă la fois.
JH : â Cela me fait penser Ă cette extraordinaire citation de Shakespeare : « La nature, c’est aussi nous. »
GS : â Ce qui est exact. Mais ce que nous devons identifier, c’est prĂ©cisĂ©ment ce qui n’est pas sauvage. C’est par lĂ qu’il faut commencer.
Sauvage ?
Piste 10
Sauvage ?
Piste 11
Il sâest dâabord agi dâun merle. La fenĂȘtre de ma chambre Ă©tait restĂ©e ouverte pour la premiĂšre fois depuis des mois, comme un signe de victoire sur lâhiver. Son chant mâa rĂ©veillĂ©e Ă lâaube. Il chantait de tout son cĆur, de toutes ses forces, de tout son talent de merle. Un autre lui a rĂ©pondu un peu plus loin, sans doute dâune cheminĂ©e des environs. […] Jâai Ă©tĂ© capturĂ©e, dĂšs le second ou le troisiĂšme appel, par ce qui devint un roman audiophonique dont jâappelais chaque Ă©pisode mĂ©lodique avec un âet encore ?â muet. Chaque sĂ©quence diffĂ©rait de la prĂ©cĂ©dente, chacune sâinventait sous la forme dâun contrepoint inĂ©dit.
Ma fenĂȘtre est restĂ©e, Ă partir de ce jour, chaque nuit ouverte. […] Lâoiseau chantait. Mais jamais chant, en mĂȘme temps, ne mâa semblĂ© si proche de la parole. Ce sont des phrases, on peut les reconnaĂźtre, elles mâaccrochent dâailleurs lâoreille exactement lĂ oĂč vont toucher les mots du langage ; jamais chant en mĂȘme temps nâen aura Ă©tĂ© plus Ă©loignĂ©, dans cet effort tenu par une exigence de non-rĂ©pĂ©tition. Câest une parole, mais en tension de beautĂ© et dont chaque mot importe. Le silence retenait son souffle, je lâai senti trembler pour sâaccorder au chant. Jâai eu le sentiment le plus intense, le plus Ă©vident, que le sort de la terre entiĂšre ou peut-ĂȘtre lâexistence de la beautĂ© elle-mĂȘme, Ă ce moment, reposait sur les Ă©paules de ce merle.
Habiter en oiseau, Vinciane Despret, 2019
Sauvage ?
Piste 12
Camille voyait s’ouvrir la clairiĂšre de la Croix-aux-HĂȘtres, l’herbe y Ă©tait d’or tant le soleil y ruisselait. La statue prenait chair, sĂšve et sang, elle se dressait et s’avançait Ă pas dansants vers les arbres. Elle dansait et bondissait, lumiĂšre vivante frappant le sol de ses talons. Ă chaque coup perçaient des roses au ras de l’herbe. Des roses de granit dont le cĆur flamboyait. Et la femme criait, en proie Ă une joie profonde comme le jour, plus ample que le monde. Ses cris s’envolaient vers la cime des arbres, se posaient sur leurs branches, nuĂ©es d’oiseaux rouge feu. Les branches ployaient sous leur poids, sous la splendeur des cris ; elles se balançaient avec une mollesse terrible, voluptueuse.
Sylvie Germain, Jours de colĂšre, 1989 (Prix FĂ©mina 1989)
Les arbres s’arrachaient de leur sol, ils se mettaient en mouvement. Leurs branches chargĂ©es d’oiseaux, de cris, de fruits, de flammes, se tordaient comme des bras d’hommes saisis par le dĂ©sir. Ils luisaient, incandescents. Elle, corps de boue et de lumiĂšre, tournoyait parmi eux et les roses de granit qui partout trouaient le sol roulaient dans l’herbe, pourchassĂ©es par le vent, becquetĂ©es par les oiseaux. Et les arbres entonnaient un chant d’une voix rauque. Un chant de pure joie.
Sauvage ?
Piste 13
Photographies de
Charles Fréger
Instagram : @charlesfreger
« Lâinsatisfaction engendrĂ©e par notre rĂ©gime mental ou spirituel sâexprime malgrĂ© nous. Il nous faut un exutoire. Notre imagination s’Ă©touffe et se constipe Ă force de tartes Ă la crĂšme Call to arms 4 et Transformers 5. Nos Ăąmes rĂ©clame Ă cor et Ă cri la fibre stimulante du primitif !
Robert McLian Wilson, préface à Wilder mann ou la figure du sauvage de Charles Fréger, éd. Thames&Hudson, 2012
Dans cette quĂȘte court, tel un fil sombre et Ă©tincelant, la figure de l’homme sauvage, du « wild man« , du « wilder mann« . EmblĂšme de l’altĂ©ritĂ©, ce vĂ©ritable outsider fait partie de notre conscience depuis que nous avons pour la premiĂšre fois constituĂ© des groupes nomades et des communautĂ©s agricoles sĂ©dentaires. Sans doute mĂȘme avant. Il s’agit d’un mythe presque fondateur. Pour quâil existe un « nous », il faut un « non » nous. Nous devons dĂ©finir qui nous sommes Ă dĂ©finissant tout d’abord qui nous ne sommes pas. Nous sommes Homme sage parce que nous ne sommes pas Homme sauvage. »
Sauvage ?
Piste 14
Sur le masque Yupik
(Ă 16mn20s)
Sauvage ?
Piste 15
Sauvage ?
Piste 16
L’arc de son comportement, pour cet animal dĂ©pourvu de sens gustatif, mais possĂ©dant un sens lumineux, thermique et tactile, sâavĂšre insĂ©parable de ses marqueurs de signification : tomber sur la proie, constater qu’elle a atteint celle-ci, trouver le meilleur endroit pour perforer. La tique, fabricant sa semence en se fixant sur un animal Ă sang froid comme le lĂ©zard, gardant celle-ci encapsulĂ©e dans l’estomac, pouvant rester jusqu’Ă 18 ans sans manger, voit celle-ci fĂ©condĂ©e au contact de l’acide butyrique. Au prix de sa vie. Son festin est alors un festin de mort et de renaissanceâŠ
Ăric Marion, Le vĂ©gĂ©tal ou la traversĂ©e du visible, dans l’excellente revue Sens dessous n°26, VĂ©gĂ©tal
Sauvage ?
Piste 17
Quand le vol s’abattit sur le champ, le cerf Ă©tait debout et frissonnait de tout son corps. La nuit entiĂšre, autour de lui claquait de grandes ailes invisibles, lui jetait aux naseaux le souffle de ces milliers d’ailes. Et bientĂŽt, presque instantanĂ©, ce fut un silence saisissant, un dernier battement de rĂ©miges, un dernier cri sifflant et doux. Le Rouge ne voyait pas les grands oiseaux couleur de lune ; mais tout le champ palpitait comme une voile, et la chaleur des voyageurs, apportĂ©e sur les vagues de lumiĂšre, poussait jusqu’Ă ses pieds de molles ondes inĂ©puisables. Il se remit Ă frissonner. Et tout Ă coup, venu du fond de ses entrailles, lentement enflĂ© Ă travers son corps, montant, irrĂ©pressible, de sa poitrine Ă sa gorge brĂ»lante, son premier brame jaillit dans la nuit.
Maurice Genevoix, La DerniĂšre Harde, 1938
Sauvage ?
Piste 18
Ce rapport instinctif au monde que nous partageons avec les animaux, avec tout ce qui est vivant, il est rare quâil nous revienne en force une fois que lâĂąge nous a rattrapĂ©s. Lâobservation ou lâexamen des sites naturels, mĂȘme prĂ©cis et exhaustif, ne saurait sây substituer car lâexpĂ©rience ne se laisse pas rĂ©duire Ă des formules abstraites, Ă des explications. Elle est fruste, elle sent la viande et le sang, elle est faite de peur, de danger et de jubilation Ă doses variĂ©es. Dans la mesure oĂč on peut la qualifier dâexpĂ©rience, et non dâun autre nom oubliĂ©, elle exige un abandon que peu dâentre nous sont aujourdâhui prĂȘts Ă accepter. Mais câest dans la clartĂ© et la force brĂšve dâune rencontre avec la nature, dans ce tĂ©moignage dâamour, et â puisque câest dâun livre dont il sâagit ici â dans les souvenirs quâon rappelle Ă soi pour les conter, que lâon peut recouvrer certains moments vitaux de cette expĂ©rience. Ils recĂšlent cette vitalitĂ© premiĂšre de lâexistence sans laquelle il nâest aucun art possible, aucune approche spirituelle, aucun rapport authentique au monde.
Vingt-Cinq ans de solitude, John Haines, 2016, réédition illustrée, éd. Gallmeister, publication originelle 1989
Sauvage ?
Piste 19
« Aldabra est un atoll qui s’est retrouvĂ© totalement submergĂ© il y a 136.000 ans, faisant disparaĂźtre l’ensemble de sa biodiversitĂ© terrestre. Le rĂąle d’Aldabra (Dryolimnas cuvieri aldabranus), incapable de voler, s’est Ă©teint.
Le niveau de la mer ayant diminuĂ©, l’atoll Aldabra a Ă©mergĂ© et des Dryolimnas possĂ©dant la facultĂ© de voler ont recolonisĂ© l’Ă©cosystĂšme. Puis, les conditions environnementales locales Ă©tant trĂšs proches de celles d’il y a 136.000 ans, l’espĂšce a finalement convergĂ© vers une nouvelle sous-espĂšce inapte au vol : le rĂąle de Cuvier (Dryolimnas cuvieri cuvieri), Ă©galement inapte au vol et derniĂšre espĂšce du genre Dryolimnas encore vivante actuellement. »
Slate, capturé le 22 octobre 2022
Sauvage ?
Piste 20
De loin, jâai aperçu un renard de ma connaissance, que je surnomme Consul â tant il est Ă©lĂ©gant et bien Ă©levĂ©. Il parcourt toujours les mĂȘmes sentiers. Lâhiver dĂ©voile ses trajets, droits comme une rĂšgle, dĂ©terminĂ©s. Câest un vieux mĂąle qui fait des allers-retours depuis la TchĂ©quie, sans doute occupĂ© par une affaire de contrebande. Je lâai observĂ© Ă travers mes jumelles descendre le coteau dâun pas alerte, au trot lĂ©ger, emprunter les traces quâil avait laissĂ©es dans la neige lors de son dernier passage â sans doute pour faire croire Ă dâĂ©ventuels pisteurs quâil nâĂ©tait passĂ© quâune seule fois.
Sur les ossements des morts, Olga Tokarczuk, 2012, Ă©d. Noir Sur Blanc
Ćuvres attendues
JusquâĂ 5 Ćuvres par participant, une Ćuvre Ă©tant :
- une série photographique
- une photographie
- une nouvelle de fiction (sans limite de taille)
- un poĂšme
- une composition poétique
- un « phototexte », cĂ d une Ćuvre Ă 2 ou 4 mains « photographie-s + texte-s »
PossibilitĂ© de panacher ces Ćuvres, par exemple : 1 sĂ©rie, 1 phototexte, 3 photographies OU 1 composition poĂ©tique et 4 poĂšmes distincts OU 2 nouvelles OU etc.
Agenda
Date limite envoi textes : mercredi 15 mars 23h59
Date limite envoi photographies : samedi 15 avril 23h59
Sélection par le comité de lecture à partir du 15 mars et par le comité de sélection photographique le 15 avril
Sortie du n°6 âSauvage ?â : Ă©tĂ© 2023
Auteurs et photographes sélectionnés
Les autrices, auteurs et photographes dont les Ćuvres sĂ©lectionnĂ©s recevront un exemplaire de ce numĂ©ro.
Une rencontre/interview aura lieu avec l’une ou l’un d’eux sur son travail et son parcours. Elle sera publiĂ©e dans ce numĂ©ro en rubrique « Coulisses ».
En rubrique « Coulisses » des numéros précédents
- n°2 : Pauline Marzanasco
- n°3 : Stéphane Jacquemin
- n°4 : Léna Maria et Chloé Baudry
- n°5 : Aurélien Delafond et Stephane Barthez
Inscription obligatoire et envoi anonymisé
Le formulaire dâinscription et la procĂ©dure sont ici :
Remerciements
Merci aux médias suivants qui relaient cet appel à textes et photographies auprÚs de leurs lecteurs :
- Gregory Laroche, les concours photos
- Concoursnouvelles.com liste trĂšs complĂšte et trĂšs Ă jour de concours de nouvelles
- Textes à la pelle, agenda complet et triable des appels, concours, etc. TrÚs actif aussi sur les réseaux sociaux. Actualisation trÚs fréquente.
- LâĂchangeoir dâĂ©criture, partage et ateliers dâĂ©criture en ligne et en rĂ©gion toulousaine