par Raphaëlle Vaillant
En captant l’ombre d’une silhouette au détour de sa route, l’artiste Lola Arrouasse ouvre la fenêtre d’une création nouvelle. Au terme d’un échange avec la jeune photographe et poétesse, regard sur le « petit théâtre d’ombre » à l’origine d’un cliché nocturne entre l’intime et la révélation.
Embrasure invitant au regard, contre-jour théâtral et halo de lumière irréel sur une silhouette en ombre chinoise : ces éléments n’ont pas été sans éveiller la curiosité de Lola Arrouasse, dont la proposition pour la revue n°7 — Fenêtres — a donné lieu à une couverture lumineuse et énigmatique.
Si la délicatesse délicieusement insolite de l’image invite au songe poétique, l’approche photographique est première, précise l’auteure. Lola Arrouasse nous délivre qu’à l’origine de la « révélation » s’est présenté une vision nocturne, fugitive et soudaine. Embrasure idéale tant pour l’artiste que pour le spectateur, cette fenêtre entrouverte se dresse comme une « porte d’entrée vers de nouvelles créations », passage entre la pénombre de la pièce à-demi dévoilée et la révélation, l’intériorité et l’extériorité de l’œuvre. Tel un interstice sur la revue encore close.
Comment expliquer l’attraction suscitée par une prise si subtile ? L’attirance de l’artiste pour les ombres a son rôle. Mais c’est avant tout l’intensité du jeu de clair-obscur, qui provoque un tel attrait chez le spectateur, intensifié par le cadrage. « l’obscurité encercle l’ensemble et accentue l’apparition » – une façon pour l’auteure de proposer une autre lecture de la nuit par le prisme de la lumière.
A posteriori, la lecture du cliché évoque à la photographe une autre perspective, celle de l’insaisissable, cette « triple impossibilité de saisir la silhouette ». La position du personnage de dos, l’effet de contre-jour, l’opacité de la vitre, concourent à accentuer l’évanescence du profil. Ce sont là « trois voiles, trois manières d’échapper ».
Dans son élan à capter l’insaisissable, Lola Arrouasse nous invite à décrypter quelque chose de la rêverie qui émane du for intérieur et nous intime ce qu’elle sait de la nuit, comme le suggère l’intitulé original de la prise. Ou bien est-ce le personnage, qui nous fait parvenir ces pensées par l’embrasure, inspirant la poétique de l’image ?
A travers cette fenêtre sur l’invisible, le regard s’ouvre vers un monde en suspens, où la révélation l’emporte sur la parole, l’imagination, sur l’insoupçonné d’une vision nocturne.
par Raphaëlle Vaillant, avec la participation de Lola Arrouasse